Conférence: « Falsification historique et négationnisme noir » (vidéos)

Le 25 mai 2016, je tenais une conférence à Bozar, à Bruxelles, dans le cadre des conférences-formation « Initiation à l’Histoire Africaine », organisées par le Collectif Mémoire Coloniale et Change asbl que je remercie.
J’y abordais la falsification historique et le « négrocide » historique (ou négationnisme noire), deux problématiques dont les conséquences restent extrêmement palpables dans nos sociétés actuelles. A la lumière des différents courants de recherche historiographique occidentale qui nous ont été imposés dans les programmes scolaires, je vous invite à réfléchir sur la manière sournoise dont l’histoire a été utilisée comme instrument puissant de conquête des mentalités et d’expansion d’une pensée hégémonique. La toute-puissance occidentale, sa supériorité intellectuelle et raciale, exprimées dans sa noblesse, sa royauté, sa souveraineté et par ses élites (parmi lesquelles le Noir est « historiquement exclu » alors qu’en vérité il en a fait partie et en a même été l’initiateur) trouve en réalité sa source dans la frustration d’un peuple à une époque très reculée de l’histoire. Cette notion de toute puissance et de contrôle qui s’est pérennisée à travers les âges n’a pas fini de remplir les coupes empoisonnées que nous offrent les oligarques qui régissent nos sociétés, et l’Afrique en est la plus grande consommatrice! Voilà pourquoi il faut s’y intéresser, et voilà pourquoi j’ai tenu à écrire « Du Sang Bleu à l’Encre Noire ».Et si la démystification des manipulations historiques faisait partie des armes qui nous permettront de vaincre l’Impérialisme qui tue l’Africain depuis des siècles?

1ère vidéo (conférence intégrale):

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2ème vidéo :

Le rectificationnisme diopien comme solution à la falsification historique et l’origine de la suprématie occidentale

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Pourquoi et quand « Monsieur Malabar » a t-il changé d’apparence?

malabar2Aujourd’hui, le mot « malabar » nous renvoie d’emblée vers le personnage blond, costaud et fort de la célèbre marque de chewing-gum. Et on évoque également le terme pour désigner vulgairement les sorteurs de boîtes de nuit au physique impressionnant, ou simplement pour parler d’une personne à l’allure d’un bodyguard dissuadant. Mais au départ, « malabars » ou « malbars » ou encore « malaba » désignait ce groupe ethnique d’origine indienne que l’on retrouve sur l’île de La Réunion et l’Ile Maurice. Et cette dernière référence, lorsque l’on s’y penche, ne peut qu’attiser notre curiosité quant à l’étymologie du mot, son usage et son évolution à travers le temps. Nous voici donc sur la piste de ce qui pourrait nous éclairer sur ce terme aujourd’hui péjoratif, histoire d’y croire…

Selon le Centre National de Ressources Textuelles et lexicales, la première référence au mot « malabar » remonte à 1663. On la retrouve dans l’ouvrage « Relation du voyage de Perse et des Indes Orientales » (A. de Wicquefort,  traduit de l’anglais par Th. Herbert, p.48) où l’on nous parle d’une jonque remplie de pirates malabares. Aussi, après l’abolition de l’Esclavage en 1848, les colons eurent recours à ce que l’on appellera « l’Engagisme », qui consistait à recruter sur contrat de 5 ans des personnes susceptibles de remplacer les esclaves dans les champs de canne et les usines sucrières. Ainsi, les « engagés » seront recrutés à Madagascar d’abord, mais aussi en Asie (Chine, Indonésie), en Afrique(Angola, Mozambique, Gorée) et en Inde du SUD (Tamil Nadu).

malabarPrincipalement recrutés au Tamil Nadu (Pondichery, Yanaon, Madras..) et secondairement au Bengale (Calcutta), les engagés de la réunion qui seront appelés « Malbars », en référence aux habitants de la côte de Malabar en Inde, faisaient partie des plus pauvres, à savoir des basses castes (Shudras) et intouchables. Abusés sur leurs conditions ultérieures de vie par les »mestrys » (les esclavagistes recruteurs), entassés à près de 300 à 500 par bateau dans des espaces clos et mal ventilés sur l’entrepont des navires, victimes d’un manque d’hygiène flagrant voire de violences dès leur embarquement…beaucoup mouraient durant la traversée d’un mois environ ou contractaient de graves maladies à bord (scorbut,diarrhées etc..) en raison de ce confinement et du manque d’hygiène à bord. C’est exténués et le plus souvent malades (oreillons, gale, diarrhées, coliques et bronchites fréquentes…) qu’ils débarquaient sur l’île. On avait donc coutume de garder ceux qui étaient constitués d’un physique intéressants et d’une santé de fer.

Ainsi, le terme « malabar » va évoluer dans les Antilles françaises pour définir une personne au physique imposant. Il se répandra ensuite dans l’espace francophone au début du 20ème siècle par le biais des missionnaires de retour dans les métropoles.

malabar3En 1958, Krémaentreprise française de confiserie créée en 1923, choisit le nom « Malabar » pour nommer sa nouvelle marque de chewing-gum. Mais ce n’est qu’en 1969 qu’apparaît la mascotte de Malabar, en l’occurrence, le célèbre blondinet vêtu d’un maillot jaune et arborant sur le torse un « M » entouré d’un ovale rouge. Monsieur Malabar possède un physique imposant mais affiche néanmoins une évidente bonhomie pour se faire l’ami des enfants. Il est fort et se veut le héros des petits dans leur détresse. Et l’originalité de la marque se trouve dans les vignettes éducatives que Kréma glisse dans chaque emballage, ce qui lui assure un succès grandissant. Plus tard, la marque abandonnera l’image de la mascotte « Monsieur Malabar » et ce dernier sera remplacé par Mabulle, un chat noir à lunettes, car il fallait réadapter l’image de la marque vis-à-vis d’un public plus jeune et moins adolescent.

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Voilà la manière quasi innocente par laquelle l’image de l’indien malabar, esclave au physique prometteur et au teint foncé est passée à celui d’un grand bonhomme blond et fort. On y verrait presque la logique volonté d’attribuer le caractère tout puissant du malabar à un individu de race blanche plutôt qu’à un ancien esclave noir. D’ailleurs, n’est-ce pas au Blanc que sied merveilleusement bien le caractère fort? N’est ce pas plus pertinent de présenter un héros de race blanche aux enfants?

Pour finir, il est nécessaire de rappeler qu’aujourd’hui encore, à la Réunion, les personnes originaires du sud de l’Inde et hindouistes seront appelées « Malbars », ou parfois même Dravidiens (plus rare). Notez que les personnes de la communauté musulmane sunnite arrivées plus tard du nord de l’Inde sont désignées par le terme « zarabe », et les indiens chiites, principalement arrivés à la Réunion après leur départ de Madagascar sont appelés « Karanes ».

Par Natou Pedro Sakombi: 

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